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Réforme de la facture électronique : « Conserver un calendrier rythmé pour ne pas casser la dynamique »

« Il a été décidé de reporter l’entrée en vigueur du dispositif prévue le 1er juillet 2024 afin donner le temps nécessaire à la réussite de cette réforme ». Le communiqué de presse annonçant le report de la réforme électronique avait été précédé de rumeurs, mais sa publication, au cœur de l’été, a fait l’effet d’un petit séisme dans le secteur de la confiance numérique.
Alors que plusieurs dizaines de prestataires de services informatiques investissaient pour devenir « plateformes de dématérialisation partenaire » et que de nombreuses entreprises préparaient leur transition vers la facturation électronique, le report a été ressenti comme un véritable coup d’arrêt par ces acteurs.  Sébastien Vugier, Directeur de la Transformation de Cegedim Business Services nous explique comment son entreprise s’est adaptée à ce nouvel ajournement de la réforme.

 

Quel a été votre sentiment en apprenant le report de la réforme de la facture électronique ?

Sébastien Vugier, Directeur de la Transformation de Cegedim Business ServicesUn certain étonnement d’abord. Dans la préparation de cette réforme, il y avait une véritable dynamique entre l’Agence pour l’informatique financière de l’Etat (AIFE), la Direction générale des finances publiques (DGFIP), les acteurs de la réforme, notamment les PDP, et les entreprises. Nous avions des échanges fréquents sur la mise en place de la réforme, sans qu’un report ne soit évoqué.
Nous savions que certaines entreprises étaient en retard, mais plus de 1300 sociétés étaient candidates pour participer à la phase pilote, ce qui démontre qu’il y avait un vrai intérêt. Ce report nous a donc surpris, même s’il y avait eu des rumeurs évoquant le sujet quelques jours auparavant.

Nous savions qu’il y avait un besoin pour certaines entreprises de « détendre » le planning pour la réussite de la réforme. Nous nous attendions donc à un report de 6 à 12 mois, ce qui aurait été compréhensible. Mais nous avons été surpris d’apprendre que le portail public de facturation n’était tout simplement pas prêt et qu’il ne le sera probablement pas avant fin 2024 ou début 2025…

Avec quelques semaines de recul, comprenez-vous les raisons de ce deuxième report ?

Oui, le calendrier était très tendu pour 2024, avec beaucoup d’étapes importantes comme les immatriculations des PDP, le démarrage de la phase pilote, puis le lancement de la réforme au cœur de l’été 2024, ce qui n’est pas la période idéale, qui plus est avec les Jeux Olympiques… Nous comprenons donc bien la nécessité de ce report. Mais si la réforme est repoussée de 18 à 24 mois, comme cela devrait être le cas, c’est une durée très longue qui risque de démobiliser les entreprises, et de geler les projets.

Au sein de Cegedim, avez-vous dû mettre en place des actions pour vous adapter à ce report ?

Oui, nous nous adaptons et nous restons mobilisés pour que nos clients puissent anticiper et profiter dès à présent des gains générés par la dématérialisation. Si la facture électronique est une obligation, il ne faut pas oublier qu’elle constitue également une source de bénéfices ! Nous estimons que certains éléments de la réforme peuvent déjà être mis en application, comme par exemple l’adoption du format Factur-X. Les entreprises peuvent déjà émettre et recevoir leurs factures avec ce format structuré, ce qui facilitera ensuite l’adoption de cette réforme en interne.

Nous travaillons également à l’interopérabilité entre prestataires de dématérialisation partenaire. C’est un sujet très important pour que la réforme soit plus facile à mettre en œuvre pour les entreprises. Nous en débattons avec différents opérateurs, notamment au sein du Forum national pour la Facture électronique (FNFE).

Comment ont réagi vos clients, qui étaient en train de se préparer à la facturation électronique ?

Beaucoup d’entreprises sont déjà bien engagées dans la dématérialisation et nous font confiance pour les accompagner, notamment au niveau de la conformité. Il y a peut-être une déception chez certains que la réforme soit reportée, mais la volonté de digitaliser les activités reste intacte. Les entreprises ont toujours besoin d’œuvrer pour cette transition. Et même si elles ne sont pas prêtes aujourd’hui pour la réforme globale, elles peuvent toujours avancer sur l’eInvoicing (NDLR : la facturation électronique à proprement parler. Pour en savoir plus la FnTC a publié le «Lexique de la facture électronique »).

Quels sont selon vous les principaux obstacles pour les entreprises dans l’adoption de la facturation électronique ?

L’eReporting (la transmission de données de transaction à l’administration, NDLR) en premier lieu. Pour les entreprises, la mise en œuvre est complexe et peu maîtrisée, par exemple pour le détail à la journée ou la facture B2B international, hors import de biens. Il y a bien sûr la nécessité pour les sociétés d’être en conformité, et de comprendre les bonnes pratiques de la gestion de la facture électronique. Mais cela les oblige plus globalement à analyser l’ensemble du cycle de vie de la facture, et de leur processus métier.

Automatiser le traitement des factures par exemple ne peut se résumer à la mise en place d’un outil, l’impact est bien plus général : le statut « refusé » d’une facture aura ainsi des conséquences sur la comptabilité et la TVA, pourra entraîner la production d’un avoir, rallonger les délais de paiement… Il y a un niveau de complexité assez important, et cela oblige à être pragmatique.

Ce nouveau report risque-t-il à votre avis de casser la dynamique qui commençait à s’installer autour de la facture électronique ?

C’est le risque majeur. Nous comprenons le report, mais nous trouvons indispensable de conserver un calendrier rythmé, soutenu, pour ne pas casser la dynamique. Comme je vous le disais, nous allons renforcer l’interopérabilité. Nous aimerions aller encore plus loin, et pouvoir échanger des factures entre PDP en attendant que le portail public de facturation soit prêt. Mais pour cela nous avons besoin de l’annuaire des entreprises. Il était prévu dans Chorus Pro, mais n’existe pas pour l’instant, et cela nous bloque. Nous cherchons une alternative.

Cegedim a vocation à devenir une ‘plate-forme de dématérialisation partenaire’ (PDP), ce report va-t-il vous permettre d’enrichir votre offre de services ?

La candidature de PDP nous a demandé de gros investissements, notamment en termes de certification et de qualification. Nous devrions bientôt recevoir le label SecNumCloud sur nos infrastructures Cegedim Cloud, et avons déjà reçu la certification ISO 27001 pour notre activité de dématérialisation de factures ainsi que la certification eIDAS sur nos services de confiance comme la délivrance de certificats électroniques qualifiés et la signature ou cachet électronique qualifiés. Notre offre s’est déjà renforcée en termes de sécurité, nous allons continuer à les optimiser et enrichir les services à valeur ajoutée, comme l’automatisation du rapprochement et de la validation des factures fournisseurs, ou l’analyse du profil et risque client concernant la facturation clients.

Ce report va également nous permettre de peaufiner notre accompagnement client, de travailler les cas d’usage pour améliorer le déploiement de nos solutions clients et permettre, in fine, que l’adoption de la réforme soit plus souple et plus simple.

Etes-vous favorable à un « découpage de la réforme », par exemple en mettant d’abord en place l’eInvoicing obligatoire puis, dans un deuxième temps, l’eReporting, comme le réclament plusieurs acteurs ?

Oui absolument. C’est d’ailleurs ce qu’exprimait le courrier des membres du conseil d’administration duFNFE dont nous faisons partie , adressé à la DGFIP début septembre. L’eInvoicing est plus simple à déployer, les acteurs de la dématérialisation maîtrisent déjà ces processus et les bonnes pratiques qui y sont associés, cela a donc du sens de le mettre en œuvre rapidement

Pour l’eReporting, c’est plus complexe. Il faut également que les textes soient alignés avec la future réglementation européenne, notamment la directive ViDA, qui devrait être connue entre 2024 et 2025 pour une application en janvier 2028. L’eReporting français devra peut-être évoluer avec cette réglementation… Dans ce contexte, l’Allemagne et l’Espagne ont déjà pris la décision d’attendre, mais ce n’est apparemment pas la position de la DGFIP. Nous attendons donc de voir comment nous pourrons nous adapter.

Qu’espérez-vous pour le nouveau calendrier de la réforme qui doit bientôt être dévoilé ?

Qu’il soit tenu. N’oublions pas que c’est le deuxième report. Un nouveau planning va être fixé, en prenant en compte les éléments du marché et les attentes des acteurs, et nous espérons que cette fois, il sera respecté.