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Jean Saphores: « Tous les outils de la dématérialisation ont été développés grâce à l’action de la FnTC »

 

Jean Saphores, vice-président du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables  est également le président fondateur de la Fédération des Tiers de Confiance du numérique. Il nous raconte la création de la Fédération, il y a 21 ans, et son rôle aujourd’hui.

 

 

Comment est née la Fédération des Tiers de Confiance du numérique ?

Il faut d’abord souligner que c’est une Fédération, pas une association. Les statuts sont plus compliqués, mais cela répondait à notre objectif : fédérer des personnes et des structures différentes avec des problématiques différentes, c’est-à-dire les tiers de confiance dans le monde du droit et les tiers de confiance du numérique.

Le Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables avait, avec quelques éditeurs, commencé des premiers travaux sur la dématérialisation, notamment sur l’archivage électronique sécurisé. Mais il nous est vite apparu que les prestataires de services ne pouvaient pas définir seuls les règles.  Il fallait donc réunir des experts, des juristes, des organismes publics, des utilisateurs, bref des personnes aux compétences différentes pour discuter ensemble, et convenir des meilleures pratiques de la dématérialisation. C’est dans ce but que la FnTC a été créée, et c’est encore son rôle aujourd’hui.

 

 

 

 

 


 

Comment la dématérialisation a-t-elle commencé pour les experts-comptables ?

Dans les cabinets d’expertise-comptable, comme partout, on a des habitudes, une certaine manière de travailler, et on a souvent du mal à la modifier ; il y a une résistance au changement assez forte. Mais en France, et c’est une vraie caractéristique nationale, on commence à changer lorsqu’un texte légal est publié. Lorsque les téléprocédures sont devenues obligatoires par exemple, il y a eu des protestations évidemment, mais c’est finalement entré assez rapidement dans les mœurs et la pratique professionnelle.

J’ai participé à la création des téléprocédures fiscales, puis de « jedeclare.com » en 2000. Nous voulions aider les TPE (très petites entreprises), celles qui ont moins de 10 salariés, et qui sont souvent oubliées par les pouvoirs publics. On m’avait dit que c’était trop compliqué, que personne ne voudrait changer ses habitudes, mais le site est aujourd’hui utilisé par un peu moins de trois millions d’entreprises… Il faut faciliter le changement. Il y a vingt ans, on me disait que le télépaiement était impossible, aujourd’hui il est généralisé et on le demande pour d’autres services…

Après les téléprocédures, nous arrivons à la dématérialisation complète des documents électroniques qui va se met en place dans les 3 prochaines années. Des techniques comme la signature électronique sont utilisées depuis longtemps, mais nous pouvons encore progresser sur des problématiques comme l’authentification forte ou l’archivage numérique. Nous avons toujours cette volonté de convaincre de faire avancer…

Vous avez été le premier président de la FnTC…

Oui, et pourtant j’avais refusé au départ, par manque de temps ! Mais la veille de la première assemblée, il y avait eu quelques conflits sur la présidence, il a donc été décidé qu’elle serait confiée à un « institutionnel », et j’ai finalement accepté la fonction lorsque je suis arrivé à la fin de la réunion… Heureusement j’ai finalement eu plus de temps que prévu pour m’y investir. Nous étions alors en janvier 2001, en pleine bulle internet, et il y avait donc énormément de questions sur ces nouveaux métiers. Nous ne voulions pas de collège majoritaire, ni de professionnels qui imposent leurs vues aux autres, il fallait donc une fédération pour définir les pratiques de ces nouveaux métiers numériques. Et après quelques années, nous avons ajouté un « collège des utilisateurs », pour prendre en compte les besoins et les avis des professionnels qui utilisent ces outils.

Nous avons également créé des labels pour certains services. Comme il n’existait rien au niveau qualification et certification, il fallait définir les « règles du jeu », les bonnes méthodes de la dématérialisation.

Les premiers GT (groupes de travail) se sont créés sur les thèmes de la signature, l’archivage avec une commission juridique. Mais nous nous sommes rendu compte que l’aspect juridique était transversal, et présent dans chaque domaine, et nous avons donc supprimé ce GT. Pour tout nouveau métier, il y a à la fois des règles techniques et des règles juridiques, qui sont complémentaires.

Nous nous sommes vites aperçus également que beaucoup de passerelles étaient possibles entre différents secteurs. Le KYC, la signature, la facture : tous ces métiers sont liés en fait, il y a beaucoup de notions communes comme l’authentification, l’horodatage, l’archivage….

Ce qui signifie que rien ne fonctionne tout seul. Pour toute application, il y a plusieurs briques techniques, plusieurs maillons : j’appelais ça la chaine de la confiance ; cette chaîne, comme toutes les autres, a la force de son maillon le plus faible…

Les valeurs et l’éthique de la FnTC ont été définies d’après ces constatations : l’échange, le partage, l’interopérabilité… Ce sont des notions qui se retrouvent dans tous les secteurs de travail de la FnTC,

Quelles ont été selon vous les principales réalisations de la FnTC ?

Elles sont nombreuses, difficile de tout énumérer sans faire d’oubli… Il faut dire que la FnTC n’est pas un syndicat professionnel, nous ne travaillons pas que sur une problématique. Les sujets sont divers, et il y a des notions interdites, comme le « corporatisme » ou « travail solitaire »… Partout, il nous faut de l’interopérabilité.

Nous avons défriché des sujets comme la signature électronique ou l’archivage électronique, notamment via la norme Afnor NF Z42-013 en insistant sur l’importance de l’interopérabilité.  La FnTC a déposé plusieurs projets de norme à l’Afnor sur l’archivage électronique, les CFN, le BPE, la numérisation fidèle : pour définir les bonnes pratiques, mais aussi la façon dont on le met en œuvre.

La FnTC a également contribué à faire naître d’autres organismes, comme la Forum national de la Facture Electronique (FNFE-MPE) créé pour rassembler les interlocuteurs de la facture électronique, ou l’AIGCEV, fondée pour fédérer les acteurs sur le sujet du CEV (cachet électronique visible).

La FnTC a mené, et mène encore, un travail de définition des bonnes pratiques dans les secteurs innovants du numérique, dont l’utilité est considérable. Ce qui explique que toutes les publications de la fédération soient validées par le conseil d’administration : dès lors qu’il s’agit d’expliquer l’état de l’art d’une technologie ou d’une procédure numérique, un travail en solitaire est inenvisageable. Les maîtres-mots de la FnTC sont la confiance et l’interopérabilité : deux notions impossibles à mettre en pratique si l’on est seul…

Concrètement, qu’a apporté la FnTC au CSOEC depuis vingt ans ?

C’est un apport qui se vit au quotidien : je ne suis plus aujourd’hui capable de travailler sans signature électronique, sans archivage numérique. Le numérique est devenu incontournable pour nous, notamment avec les documents numériques qui doivent avoir une force probante. Et tout cela a été codifié avec et grâce à la FnTC.  La dématérialisation est entrée dans les mœurs, mon métier, comme beaucoup d’autres, a complétement évolué, et tous ces outils ont été développés grâce à l’action de la FnTC.

La première vague de dématérialisation a convaincu tout le monde, donc la deuxième vague passe avec moins de difficultés. Nous avons commencé avec les téléprocédures puis les échanges bancaires ; maintenant c’est le document numérique. La dématérialisation sera bientôt complète pour nous…

Quel est selon vous le rôle des professions réglementées au sein de la FnTC ?

Ce sont des maillons essentiels de la société en matière de confiance, et il était indispensable pour nous que ces professions s’emparent des problématiques numériques, qu’elles ne soient pas définies par les éditeurs, mais aussi par les utilisateurs. Beaucoup de ces métiers l’ont d’ailleurs compris : les commissaires aux comptes, les commissaires de justice (qui rassemblent maintenant les huissiers et les commissaires-priseurs), les greffiers des tribunaux de commerce nous ont rejoints, ainsi que plusieurs organismes internationaux. Certaines professions, comme les notaires ou les avocats ne sont jamais venus nous rejoindre ; cela est peut-être dû à des pratiques professionnelles plus individualistes. Ces métiers sont habitués à travailler seuls, en circuit fermé, alors que nous prônons l’ouverture, la collaboration. La confiance dans le numérique nécessite une part de présence humaine ; et plus le sujet est technique, plus il faut y mettre de l’humain…