Communiqué de presse FnTc

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« Les rencontres permises par la FnTC et les différentes réunions nous ont permis de mieux appréhender le secteur »

 

Nicolas Dessard, huissier de justice à Paris et audiencier à la Cour de cassation, travaille au sein de la société civile professionnelle Laude-Dessard depuis 2000, une étude qui fait partie du collège des utilisateurs de la Fédération des Tiers de Confiance du numérique depuis plusieurs années. Il nous explique ce qu’il l’a poussé à adhérer, et ce que cela lui a apporté.

Quels types de service de confiance utilisez-vous au sein de votre étude ?

L’Huissier de Justice, bientôt commissaire de justice, est le tiers de confiance référence de l’institution judiciaire. Nous transmettons l’information judiciaire avant et après les décisions des magistrats et nous nous assurons de la bonne information des justiciables sur leurs droits et obligations. Par nos constats, nous relatons les faits existants en dehors des prétoires pour permettre aux juges de décider. Cette information est contenue sur des supports traditionnels papiers mais aussi par voie électronique avec une augmentation des saisies électroniques de plus de 200% entre 2019 et aujourd’hui. En réalité nous sommes le service de confiance judiciaire et faisons évoluer le support utilisé avec les techniques actuelles.

Cela a débuté avec les actes authentiques électroniques et la signature électronique de nos actes, et se poursuit maintenant avec notamment la blockchain LEGIDE.PARIS qui tend à devenir un mode de sécurisation de l’information par huissier de justice.

La dématérialisation pourrait-elle aller plus loin dans votre profession ?

Notre profession poursuit sa révolution électronique tranquille.  La dématérialisation est un moyen formidable d’améliorer la communication, mais ne doit pas aboutir à une déshumanisation de la justice et de son exécution. Un Chatbot ou des échanges de courriels ne remplaceront jamais le contact humain lors d’un procès en expulsion ou lors de l’expulsion proprement dite ! Comment faire comprendre les mesures par simple échange électronique ?

La dématérialisation nous permet de faire évoluer nos pratiques et de nous intégrer dans le monde numérique qui émerge, notamment la blockchain. Ainsi, l’Huissier “oracle” peut faire le lien entre le monde physique et la blockchain comme nous le faisons actuellement avec les constats utilisés dans les procédures judiciaires pour attester d’un fait que les magistrats ne peuvent constater directement.

On peut s’interroger également sur la place de l’huissier de justice, tiers de confiance chargé de faire respecter le droit et d’informer les justiciables dans les Metavers par exemple. Enfin, quel rôle un commissaire de justice, à la fois huissier de justice et commissaire priseur, doit-il avoir en matière de NFT, que ce soit pour de leur création, leur transfert ou leur vente ?

A mon sens la dématérialisation à tout-va, et l’utilisation des nouvelles technologies ne vont pas désintermédier, mais tendent  à vouloir remplacer l’intermédiaire préexistant avec à la clé une ubérisation. Dans le cas des blockchains, l’intermédiaire n’est plus le tiers de confiance d’origine, mais le fournisseur de service blockchain avec une moins-value juridique. Comme il n’y a pas de désintermédiation totale, pourquoi un tiers de confiance ne pourrait-il pas lui-même devenir ce service blockchain en combinant les qualités techniques de la blockchain et ses qualités d’origine en s’appropriant la technique ?

C’est ce que nous avons fait en créant Legide.Paris, une blockchain d’huissier propriétaire, il ne reste toujours qu’un intervenant, avec une double qualité : technique et juridique. A nous maintenant de développer les nouveaux services qui vont avec ce nouvel outil.

Quels sont pour les huissiers les obstacles à la dématérialisation ?

Les obstacles dans nos pratiques quotidiennes ont principalement été levés avec l’avènement de l’acte authentique électronique. Des adaptations sont encore nécessaires pour rendre la dématérialisation encore plus efficiente dans notre quotidien, mais nos pratiques s’adaptent en même temps que nos clients, nos débiteurs, mais aussi au rythme de l’institution judiciaire. Nous sommes prêts.

En réalité, les obstacles se retrouvent surtout dans les marchés à venir comme la blockchain et découlent de notre statut qui nous est imposé et permet de sécuriser les justiciables. Officier public, l’huissier de justice doit apporter toutes les garanties aux services qu’il propose. Nous ne pouvons nous affranchir de certaines règles comme le font les startups qui parfois montent des projets, et espèrent un changement règlementaire pour valider leur concept. Nous sommes les gardiens de la licéité de la solution proposée.

L’autre obstacle vient de la publicité extrêmement encadrée qui ne nous permet pas une liberté de concurrence loyale avec les start-ups.

Quelles sont les thématiques ou les problématiques que vous souhaitez faire remonter au sein de la FnTC ?

Les blocages réglementaires ne permettent pas aux professions réglementées de se positionner aussi facilement que les start-ups sur les marchés émergents. Nos contraintes sont finalement anticoncurrentielles au profit des nouveaux entrants, alors même que chez nous, juridiquement et comptablement, ces nouveaux marchés sont traités dans des matières concurrentielles. Les start-ups ont un avantage réglementaire énorme sur nos professions. Peut-être faudra-t-il saisir l’autorité de la concurrence sur ce point pour rétablir l’équilibre et permettre une concurrence saine.

En quelle année avez-vous adhéré à la FnTC ? Quelles étaient alors vos motivations ?

Nous avons adhéré en 2019. La motivation principale était de participer au groupe de travail blockchain en tant que tiers de confiance traditionnel confronté à un système de confiance décentralisée.

J’en ressors avec une certitude : l’huissier a toute sa place dans le système, à condition d’aller la prendre. L’Huissier oracle, l’huissier certifiant les données entrantes par acte authentique, l’huissier officier public certifiant les données à la sortie en les rendant lisibles du magistrat : tout au long du processus nous apportons une plus-value et une confiance indispensable.

Quelle est pour vous la particularité de la FnTC ?

La FnTC est une fédération très ouverte, qui permet des discussions entre intervenants aux intérêts opposés. Vous y avez une discussion constructive avec une start-up dont l’objectif est de désintermédier et de vous supprimer, puis la discussion d’après vous comprenez que les industriels sont sensibles à la sécurité juridique que vous apportez. Les groupes de travail et les échanges y sont passionnants.

Votre étude Laude Dessard fait partie du collège 5 de la FnTC, celui des utilisateurs de services de confiance. En tant qu’utilisateurs, pourquoi est-ce important de faire partie de la FnTC ?

La FnTC représente un vivier important d’intervenants de qualité venant de multiples horizons. Les débats regroupent toutes les visions et permettent de mieux comprendre les impératifs et souhaits des autres professionnels du secteur, ce qui aide à mieux se positionner dans la problématique du secteur concerné.

Dans le groupe blockchain, vous retrouvez des Bitcoin maximalistes, des blockchains industrielles, des partisans des blockchains publiques, des partisans des blockchains privées, mais aussi des cas d’usages différents dont certains n’ont rien à voir avec ce qu’un huissier pourrait imaginer. C’est très enrichissant !

Vous avez participé au lancement de Legide, la blockchain des huissiers de justice. La FnTC vous a-t-elle aidé dans ce projet ?

Les rencontres permises par la FnTC et les différentes réunions nous ont permis de mieux appréhender le secteur et ses évolutions à venir. Les projets en cours d’autres professionnels peuvent nous permettre de progresser et de compléter notre solution.

Le groupe de travail monté avec la FFPB a permis aussi la rencontre de multiples professionnels lors d’une réunion à l’Assemblée nationale : startups, professeur de droit spécialisé Blockchain, sociétés issues de grands groupes qui exploitent déjà la blockchain, représentant du Ministère de l’Intérieur… Sans structure comme une fédération, il est difficile d’échanger avec autant d’acteurs hétéroclites spécialisés en une seule réunion.

Pour vous, quel est le rôle du collège des utilisateurs au sein de la FnTC ?

Le rôle du collège permet aux professionnels du secteur concerné d’échanger, ce qui aide à mettre en avant les qualités et les faiblesses des solutions présentées. Le collège a aussi permis de rencontrer d’autres professionnels et d’expliquer en quoi les tiers de confiance traditionnels ont leur rôle à jouer sur ces nouveaux moyens d’échange d’informations. Chacun pioche ensuite dans les solutions des autres pour progresser.

Conseilleriez-vous aux utilisateurs de service de confiance de rejoindre la FnTC ? Et pourquoi ? » 

Bien sûr ! Rencontrer des professionnels différents et comprendre comment est perçue l’utilité d’une solution informatique dans les projets qui se dessinent est incontournable. On ne peut pas rester dans son coin en ne s’intéressant pas à ce que font les autres qui en plus peuvent nous faire grandir avec leur propre cœur de métier !