Retour Communiqué de presse FnTC
« Chaque citoyen devrait connaître l’archivage électronique et ses solutions »
L’archivage numérique est, avec la signature électronique, l’une des thématiques fondatrices de la FnTC. Pour revenir sur la naissance de ce secteur, son évolution et ses perspectives, Clément Lefébure, responsable Pôle Numérique de Novarchive, acteur français historique du secteur de la gestion documentaire, de la dématérialisation et de l’archivage à valeur probante, a accepté de répondre à plusieurs questions.
Comment l’archivage électronique s’est-il développé ?
Tout d’abord, archiver, c’est assurer la continuité d’un patrimoine documentaire, et répondre à des obligations légales. Un avionneur, par exemple, va conserver les plans de ses avions des années 30 car il y a un intérêt d’un point de vue historique, d’un point de vue technique et d’un point de vue légal : si un avion des années 30 vole encore, et se crashe, la justice va lui réclamer des plans. Mais au-delà de cas particuliers, les obligations légales s’imposent à toutes les entreprises, pour les factures par exemple, et pour les citoyens, pour les bulletins de salaire notamment.
Lorsque l’archivage électronique est arrivé, la question de la valeur juridique des documents électroniques s’est posée, et a été résolue assez rapidement. Depuis 2000, un document numérique a ainsi la même valeur juridique d’un document en papier. En quelques années, les progrès technologiques ont été immenses. Comme l’archivage papier l’avait été avec la norme NF Z40-350, l’archivage électronique s’est normé au travers de la norme NF Z 42-013 mais également NF Z42-020 , notamment grâce à l’action des membres de la FnTC. Le but était de définir les bonnes pratiques de l’archivage électronique pour s’assurer qu’un document conservé par ce biais ne puisse être corrompu, perdu, et restera pérenne dans le temps. Un travail remarquable a été réalisé dans ce sens.
Hormis le support, en quoi l’archivage papier est-il différent de l’archivage électronique ?
Les règles sont les mêmes pour tout ce qui concerne la durée de conservation. Et les principes sont les mêmes : lorsqu’on stocke physiquement une archive, on la décrit dans un document d’inventaire, et lorsqu’on stocke une archive électronique, on la décrit via les métadonnées. Mais les règles de droit d’accès, de durée de conservation sont les mêmes. On retrouve ces similitudes au niveau des normes : la norme 42-013 sur l’archivage électronique reprend les pratiques d’archivage décrites dans la norme NF Z 40-350. En revanche, les contraintes légales sur la qualité de la conservation sont différentes notamment les supports et lieux de stockages utilisés
En quoi les contraintes légales sont-elles différentes ?
Le principe de l’archivage électronique, c’est qu’il y a une copie : une norme impose la double dépose instantanée de l’archive. C’est un point infiniment important, si un jour un data center saute, l’archive qu’on recherche sera présente sur un autre data center. C’est dans ce sens que l’archive électronique est plus sûre que l’archive physique : si un dépôt d’archives papier brûle ou est inondé, il n’y a pas de copie, il n’y a plus rien. Autre point essentiel, grâce à la dématérialisation, c’est la disponibilité instantanée de l’archive et une meilleure maîtrise et connaissance de sa traçabilité et des droits d’accès.
Quel processus doit mettre en place une entreprise qui décide de passer à l’archivage électronique ?
Déjà, il faut avoir une politique d’archivage, de gestion documentaire définie et claire. Il faut aussi une bonne vision de son architecture applicative : qui crée quoi ? Qui utilise quoi ? Des consultants, des cabinets de conseil peuvent accompagner à définir tout ça. C’est ce qu’on appelle l’ECM (Enterprise Content Management), soit en français la gestion de contenu d’entreprise. Il faut aussi connaître ses pratiques actuelles d’archivage. Si l’entreprise est encore au papier, elle peut décider de faire ce qu’on appelle la « numérisation fidèle (norme NF Z42-026) » afin de dématérialiser ses flux documentaires papier en cours et de les archiver numériquement sans avoir à conserver de copie physique. Mais si l’entreprise a une politique d’archivage claire et bien définie, la transition se fera plus facilement à partir du moment ou une conduite du changement est opérée, notamment au niveau de la maîtrise des outils informatiques de la dématérialisation documentaire.
Quels sont les risques lorsqu’on opte pour l’archivage électronique ?
Il n’y a pas de réel risque. Le seul problème peut être un manque de maîtrise de l’outil informatique. Archiver physiquement n’est pas forcément compliqué, alors que la prise en main d’un outil informatique peut s’avérer problématique. La pratique de l’informatique n’est pas innée pour tout le monde. Le risque c’est donc de ne pas avoir un bon accompagnement au changement.
On pourrait aussi classer comme risque le fait de ne pas « maîtriser » son fournisseur en termes d’archivage. Mais la certification, et la plupart des archiveurs sont certifiés aujourd’hui, apporte de réels gages de sécurité.
Système d’archivage électronique (SAE), Gestion électronique des documents (GED), coffre-fort électronique : comment faire son choix dans les différentes options de l’archivage électronique ?
C’est une grande question : au sein de la FnTC, nous avons justement publié en début d’année un guide pour répondre à cette interrogation (Guide de l’Archivage électronique : que choisir entre coffre-fort Numérique (CFN) et Système d’archivage Electronique (SAE) ?). Un système d’archivage électronique et un coffre-fort électronique sont à la fois différents et complémentaires. Les deux solutions permettent de faire un archivage pérenne de documents, les différences se font sur les besoins : pour certains documents, un coffre-fort électronique peut suffire, alors que le système électronique d’archivage permet une gestion documentaire, avec la description de l’archivage, sa typologie, sa durée de vie, différents niveaux de sécurité, etc.
Pour bien choisir, tout dépend du cycle de vie des archives en question. Souvent, les entreprises conservent leurs factures pendant trois ans dans leur ERP (Enterprise Resource Planning), et ces documents sont ensuite envoyés vers un coffre-fort électronique ou un SAE. Evidemment, il est possible d’utiliser un SAE ou un coffre-fort électronique dès le départ. L’archivage électronique permet de le faire automatiquement. Le choix de l’outil est donc lié à la politique d’archivage de l’entreprise, en fonction des processus, des procédures et des utilisations internes des documents.
La facture électronique devient obligatoire dès 2023, s’oriente-t-on progressivement vers la fin de l’archivage papier ?
Pour les factures, oui potentiellement, même si certains impriment toujours des factures papier. D’un point de vue global, oui, les archives papier diminuent, les stocks baissent. Mais la transition est progressive et prendra du temps. Des personnes et des entreprises ont pu stocker des archives papier il y 15 ans ou même 5 ans, et doivent les conserver pendant encore 10 ou 20 ans. Mais, oui chez Novarchive par exemple, l’archivage papier diminue, notamment en termes de stock, et c’est le cas chez tous les tiers-archiveurs.
Quel est, selon vous, le prochain défi dans le domaine de l’archivage électronique ?
Sûrement de mieux se faire connaître du grand public, et pas simplement des initiés. Aujourd’hui, n’importe quel entrepreneur sait normalement qu’il doit conserver ses documents d’un point de vue légal pendant plusieurs années. Mais il ne connait pas forcément toutes les solutions possibles. Les citoyens ont eux aussi des documents très importants, les bulletins de salaires, les factures, les diplômes, qu’il faut conserver à tout prix. Et les archiver, c’est sûrement mieux que de les mettre sur Google ou Dropbox. Parce qu’il y a aussi la notion de cloud souverain. Avec les géants du numérique, toutes les données partent chez les Américains ou autres grandes nations, ce qui pose question. Le souverainisme numérique va gagner de l’importance, avec des outils qui doivent être plus valorisés, notamment au niveau de la sérénité et de la pérennité. Quand on a des bijoux ou des lingots d’or, on sait qu’il faut les mettre chez soi dans un coffre, ou à la banque : c’est pareil avec les documents et le numérique, mais il faut le faire savoir. Chaque citoyen devrait connaître ces outils, c’est fondamental. Les pouvoirs publics promeuvent de plus en plus le numérique mais ne le rendent pas encore compréhensible pour tout le monde. Une campagne de sensibilisation à la conservation de ses documents électroniques, au remplacement du papier par l’électronique, avec également une législation plus claire et mieux connue, permettrait de bien faire avancer ce sujet sans pour autant laisser sur le bord de la route les non-initiés.