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Tribune : Pour une maîtrise du patrimoine informationnel de nos administrations et entreprises

En tant que chef d’entreprise, pourriez-vous confier vos secrets de fabrication, brevets, ou données de production à votre principal concurrent ? Cette manœuvre pourrait être qualifiée de suicide économique, et pourtant c’est exactement ce qui se passe avec les organisations françaises. Une majorité des données stratégiques – contrats, cahiers de laboratoire, bulletins de salaires, informations confidentielles – archivées numériquement, sont hébergées sur des serveurs américains, tous soumis au bon vouloir des autorités états-uniennes.

Les hyperscalers notamment AWS, Google et Microsoft contrôlent 83% du marché européen des solutions cloud, captant 54 milliards d’euros rien qu’en France . Concrètement, une large part de notre patrimoine informationnel est dépendant depuis des années d’une puissance étrangère.

Pendant que la France investit dans la protection de ses infrastructures critiques, son patrimoine numérique est en grande partie maîtrisé par les États-Unis. A l’échelle de l’Europe, cette dépendance représente un transfert de richesse de 264 milliards d’euros annuels vers l’écosystème tech américain.

Derrière ces chiffres se cache un piège que la plupart des dirigeants découvrent trop tard : le Cloud Act. Ce texte réglementaire autorise les autorités américaines à consulter toutes les données hébergées chez les fournisseurs américains, même stockées en Europe. Cette situation est d’autant plus préoccupante dans le cas de l’archivage numérique car, contrairement au simple stockage temporaire, il concerne des documents à valeur probante, conservés pendant des années.

Le problème va bien au-delà de l’espionnage. Ces données peuvent également perdre leur valeur juridique devant les tribunaux français. Un document stocké dans le cloud américain est susceptible de n’avoir aucune valeur légale en France faute de respecter les exigences des normes françaises et européennes d’archivage électronique : horodatage sécurisé, intégrité assurée par des moyens cryptographiques, journal des événements scellés. Pire, quelle preuve opposer si son accès est bloqué ?

L’affaire Health Data Hub illustre cette vulnérabilité structurelle. Microsoft Azure abrite nos données de santé nationales, faute d’alternative française jugée mature par les pouvoirs publics. Si cette situation concerne le secteur public, les risques pour les entreprises privées sont tout aussi critiques : non-conformité RGPD avec sanctions allant jusqu’à 4% du chiffre d’affaires, perte de valeur probante en cas de contentieux, impossibilité de prouver l’authenticité des documents, exposition des stratégies économiques françaises etc.

Cette vulnérabilité collective constitue une opportunité pour la France de sécuriser son patrimoine informationnel avec des solutions souveraines répondant aux exigences de la certification NF 461 d’AFNOR Certification, relative à un Service d’archivage électronique.

Des acteurs français maîtrisent ces technologies d’archivage probant comme en atteste leurs certifications NF 461 et leur agrément pour la conservation des archives numériques du secteur public. Ces distinctions témoignent d’une conformité aux recommandations de l’ANSSI et créent une barrière technologique différenciante. Cette démarche de certification coïncide avec celle de l’État qui prévoit 1,8 milliard d’euros en faveur d’un cloud souverain dans le cadre du plan « France 2030 ».

L’enjeu économique est considérable : selon les projections de l’étude Cigref, si 15% des dépenses cloud européennes étaient rapatriées d’ici 2035, elles entraîneraient la création d’environ 500 000 emplois directs, indirects et induits au profit de l’économie européenne.

Pour renverser la tendances, trois actions s’imposent immédiatement : auditer les pratiques nationales, promouvoir massivement les fournisseurs français certifiés, accompagner les organisations dans la migration de leurs données critiques. Le retour sur investissement est mesurable : élimination des risques de sanctions, valorisation de notre conformité, protection de nos avantages concurrentiels. Et ce ne sont pas les annonces publicitaires des hyperscalers sur une prétendue conformité aux règles européennes ne reposant que sur la localisation géographique de leurs datacenters au sein de l’UE qui change la problématique de dépendance technique et politique extra territoriale. Peu importe le pays dans lequel sont hébergés les données : toute entreprise américaine est régie par le Cloud Act.

Reprendre en main notre souveraineté numérique, commence par la maitrise de nos données. Qu’attendons-nous ?